Marie-Bernadette Dufourcet
Marie-Bernadette Dufourcet

Musique sacrée pour le roi en France et en Espagne au XVIIe siècle

La religion des élites au XVIIe siècle, éd. Prof. Charles Mazouer, Université Michel de Montaigne-Bordeaux 3, Actes du colloque du Centre de recherche sur le XVIIe siècle européen (1600-1700), en partenariat avec le Centre Aquitain d'Histoire Moderne et contemporaine, Université Michel de Montaigne-Bordeaux, 3, 30 novembre-2 décembre 2006, Gunter Narr, Tübingen, Biblio 17, Band 175, 2007, p. 165-181 (17 p.). ISBN 978-3-8233-6373-6

 

 

Malgré le voisinage géographique et des liens familiaux plusieurs fois consanguins,  les monarchies espagnole et française offrent un visage contrasté qui reflète le fossé culturel et psychologique les séparant ; ces contrastes associés à leur rivalité politique attisent une « jalousie », « une espèce d’inimitié permanente que les traités peuvent couvrir, mais qu’ils n’éteignent jamais» - selon les propres termes de Louis XIV[1]. En ces temps de la Contre-Réforme, les réponses différentes apportées par la France gallicane et l’Espagne jésuite aux questions liturgiques et, par conséquent, musicales, représentent un aspect très intéressant à étudier pour mieux comprendre la culture propre à chacun de ces deux pays au XVIIe siècle. Depuis le Moyen Age, la musique sacrée, en tant que louange à Dieu, occupe la plus haute place dans la hiérarchie des genres musicaux. Le choix du répertoire exécuté pour les dévotions du roi, lui-même placé par Dieu au sommet de la nation, revêt un caractère significatif et sert de modèle artistique pour les cathédrales provinciales, d’autant plus que Habsbourg comme Bourbons œuvrent à la centralisation du mécénat, au service de la puissance et de la grandeur de leurs dynasties. L’activité des chapelles royales contribue  fortement  à mettre en valeur leur piété et le caractère sacré de la royauté, particulièrement en France où le roi est confirmé par la cérémonie du sacre.

Tous les matins,  le Roi Catholique et le Roi Très Chrétien accomplissent le rituel le plus fondamental de leur vie de monarques : celui de la rencontre privilégiée entre Dieu et le pouvoir politique qu’ils incarnent ; entourés de divers personnages occupant tous une fonction bien précise dans la hiérarchie de la cour, une procession majestueuse emmène le roi planétaire[2] et le roi soleil chacun à sa chapelle, comme l’aurore se levant peu à peu sur l’univers. Si la liturgie royale espagnole est l’image de la soumission du souverain à la volonté divine, la liturgie royale française serait plutôt celle des noces de l’Epoux et de sa Nation sainte, célébrant en d’autres termes l’essence divine du pouvoir politique donné au roi. Signe du lien fort existant entre cette liturgie et le message idéologique princier à diffuser, le cérémonial entourant le roi lorsqu’il préside des offices solennels dans sa chapelle : caché aux yeux du public pour le roi d’Espagne qui se tient dans l’espace presbytéral sous un dais partiellement fermé (la cortina), et au contraire placé au milieu de la nef, à la vue de tous, pour le roi de France.

La période étudiée correspond en Espagne, au règne des derniers Habsbourg[3], et en France, au règne des Bourbons[4]. Tous ont reçu une éducation  artistique inspirée des préceptes de Baldassare Castiglione où la musique et la danse jouent un rôle important. Le penchant naturel de plusieurs d’entre eux pour la danse et les musiques de scène trouvera un écho jusque dans les lieux les plus sacrés.



[1] Mémoires, éd. J. Longnon, Paris, Tallandier, 1983, p. 63-64.

[2] Appelé ainsi par référence au soleil.

[3] Philippe III (roi de 1598 à 1621), Philippe IV (roi de 1621 à 1665), Charles II el Hechizado, l’Envoûté (roi de 1665 à 1700), auquel succèdera, après une rude guerre, le Bourbon Philippe V, petit-fils de Louis XIV.

[4] Henri IV (roi de 1594 à 1610), Louis XIII (roi de 1610 à 1643) et Louis XIV (roi de 1643 à 1715).

 

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© Marie-Bernadette Dufourcet