Revista Nassarre, Actas del IV Congreso Nacional de Órgano Español El Órgano Español en el contexto organístico europeo, Saragosse, 14-16 Décembre 2001, Institución « Fernando El Católico » (CSIC), Dir. scientifique Prof. Pedro Calahorra Martínez, Nassarre, XVIII,1-2 (2002), p. 85-104 (20 p.).
La perspective de confrontation et de mise en parallèle de l’orgue et de son répertoire en France et en Espagne à l’époque d’Anne d’Autriche (1615-1666) s’inscrit dans un mouvement général de réflexion comparatiste historique et musicale amorcé depuis quelques années en Occident[1]. L’écriture européenne de l’histoire, musicale ou autre, représente une tâche difficile et de longue haleine : au milieu de vastes champs d’études parallèles, il s’agit pour le chercheur de savoir aller à l’essentiel, mettre en rapport les symétries ou les antagonismes rencontrés, les temporalités distinctes, faire œuvre de synthèse sans occulter les spécificités.
La politique d’alliances menée à l’époque par l’Espagne et la France tendait à soumettre l’une des deux nations à l’autre : les deux premiers mariages, scellés au Traité de Fontainebleau en 1612, ouvrent le siècle, avec une conjoncture internationale encore favorable à l’Espagne ; le troisième, décidé par le Traité des Pyrénées en 1659, consacre l’effondrement espagnol et l’affirmation de la puissance de la France louisquatorzienne. « L’état des deux couronnes de France et d’Espagne est tel aujourd’hui, et depuis longtemps dans le monde, qu’on ne peut élever l’ une sans abaisser l’autre. Cela fait entre elles une jalousie qui leur est, si j’osais dire, essentielle, et une espèce d’inimitié permanente que les traités peuvent couvrir, mais qu’ils n’éteignent jamais, parce que le fondement en demeure toujours ». C’est par ce constat sans concession que Louis XIV résume l’état des relations entre les deux pays au XVIIe siècle[2] : une rivalité permanente du Roi Très Chrétien et du Roi Catholique pour occuper la première place en Europe[3].
La conjoncture rend difficile les échanges culturels entre l’Espagne et la France dont l’administration entrave à dessein la circulation des Espagnols sur son territoire. Certaines villes restent, malgré tout, des lieux d’échanges culturels avec l’Espagne : Rouen (le chœur de la cathédrale a plusieurs compositeurs espagnols à son répertoire) qui est une voie de passage privilégiée entre les Pays-Bas et l’Espagne, Bordeaux sur la route d’Irún, Toulouse et Narbonne qui connaissent une importante activité dans le domaine de l’orgue et de sa facture ; des contacts avec la Catalogne proche ou la région de Valence existent[4].
[1] En ce qui concerne les études franco-espagnoles générales, il faut souligner le rôle important des centres de recherches de Bordeaux et de Toulouse (CNRS) ; dans le domaine musicologique, le rôle moteur est assuré par le groupe de recherche « Patrimoines musicaux » dirigé par le Prof. Louis Jambou à l’Université de la Sorbonne (Paris IV).
[2] LOUIS XIV, Mémoires, éd. J. Longnon, Paris, Tallandier, 1983, pp. 63-64.
[3] Sur l’antipathie naturelle entre les deux nations, voir aussi Van DELFT, Louis, « L’anatomie morale » en Espagne et en France, in L’âge d’or de l’influence espagnole, La France et l’Espagne à l’époque d’Anne d’Autriche 1615-1666, Actes du 20e colloque du CMR 17 placé sous le patronage de la Société d’Etude du XVIIe siècle et de l’Université de Bordeaux III (Bordeaux, 25-28 janvier 1990), éd. Charles Mazouer, Mont-de-Marsan, Ed. InterUniversitaires, 1991, pp. 441-453.
[4] L’organiste de Gérone Juan Verdalet (+ 1694) est connu du côté français, de même le valencien Juan Cabanilles. Sur Verdalet, cf. Anglés, « Supervivencia de la música de Cabezón… », p. 103.